Elle souriait tout le temps. Elle rêvait d'un avenir serein, sans problème, de voyages et de découvertes. Désirait simplement d'une vie heureuse, à jamais entourée de sa famille et de ses être chers. Même si ces souhaits n'étaient qu'enfantins et inaccessibles, elle ne cessait d'y croire, comme un désir inébranlable, une inlassable course du bonheur à l'état pur. Elle n'était qu'une enfant qui, en grandissant, dû accepter comme chacun que la réalité ne serait jamais celle de ses rêves. On se demande toujours comment une fillette aussi jeune peut résister face à une bande de délinquants.
C'est très simple : elle ne peut pas.

Elle n'était qu'une enfant. Akemi était une jeune japonaise, apparemment semblable aux autres sur tous les points. Cadette d'une famille de deux frères jumeaux, comblant l'absence constante de sa mère par une affection marquée pour les autres membres de sa famille, la mèche rouge, comme on la surnommait de par son unique mèche de cheveux carmin, ne voyait aucun inconvénient à être élevée comme ses aînés, ayant une pointe d'admiration envers eux. Elle adoptait ainsi une attitude parfois mal vue par les autres enfants de son âge. Une fille se devait d'être calme et bien élevée. Elle n'était normale lorsqu'elle préférait le comportement des garçons, cela lui semblant pourtant naturel. Peut-être avait-elle de la chance d'avoir ses frères pour la protéger. Seule, elle ne pouvait rien faire. Aimant particulièrement sport, elle commença le judo dès son plus jeune âge pour un jour espérer les égaler, et pouvoir se débrouiller seule. Akemi ne se souciait guère des avis d'autrui concernant son apparence de garçon manqué, ni de ce qu'elle pouvait endurer à cause de cela. Peut-être était-elle insouciante. Cela n'avait que peu d'importance.
Elle était heureuse.

Elle aimait son père, le voyant comme un pilier pour son équilibre psychologique, comme un homme en qui elle pouvait trouver réconfort et soutien. Il était vrai qu'Akemi n'avait guère une confiance absolue envers une personne autre que sa famille. Pourtant, ce même pilier disparu brutalement à l'âge de ses douze ans, lorsque celui-ci divorça pour continuer sa vie hors des murs de la maison. Elle ne supporta guère ce qu'elle voyait comme une trahison, se rapprochant un peu plus de ses frères pour ne voir plus qu'eux. Ainsi, après quelques ennuis non-notable et une grande persévérance, Akemi fini par être intégrée et reconnue dans leur gang, continuant en parallèle d'exceller dans différents arts martiaux. Peut-être était-elle comme un homme, mais cette vie lui convenait parfaitement. Peut-être ses séjours à l'hôpital auraient dû la décourager, lui faire ouvrir les yeux quant à cette déchéance qui s'offrait à elle en suivant la voie de la délinquance.

Quand bien même Akemi avait obtenu le respect des membres du gang, celle-ci le quitta après un long moment de réflexion, se détachant ainsi de ses frères par la même occasion. Il était vrai qu'elle n'approuvait guère toute cette brutalité, même si elle ne pouvait nier sa propre violence. Elle avait grandi. Elle avait compris, voulant revenir dans le droit chemin quand bien même son destin lui réservait une tout autre fin. Brutalement abordée après quelques mois, la jeune demoiselle se fit agresser par une bande de délinquants, le viol étant au bout de cet incident. Akemi était seule. Ainsi, elle ne put rien faire contre eux, quand bien même elle possédait une force certaine en matière de combat. Peut-être eut-elle de la chance d'être sauvé par un homme qu'elle avait déjà croisé auparavant. Après quelque temps, voulant se ressaisir, elle intégra le lycée, se laissant pousser légèrement les cheveux, chose qui marquait sa ressemblance à ses frères. La cadette des Yahiro ne devait dépendre que d'elle-même, et ainsi, elle reprit peu à peu une vie normale. Depuis lors, son sourire ne l'avait jamais quitté.
Elle était heureuse, tout simplement.

Et puis sa vie se détacha une bonne fois pour toutes de ses puérils rêves. Lorsque les adultes disparurent de la ville, la vie d'Akemi en fut totalement bouleversée, ne trouvant au début aucune trace de ses deux frères. Les cherchant désespérément pendant plusieurs jours, subissant tour à tour l'abandon de ses amies, la mèche rouge finit par se réfugier chez elle, ne supportant guère le manque qu'elle éprouvait. Elle se retrouvait une fois de plus seule. Ne cherchant à comprendre, Akemi ignora un long moment les personnes venant frapper à sa porte. Elle ne voulait plus entendre parler du gang, ne voulait plus avoir affaire à la violence et subir ainsi les pertes de ses connaissances. Malgré ses convictions, elle finit par écouter ses anciens compagnons, venant lui demander d'être celle qui les guiderait. La chef. Allait-elle réellement pouvoir endosser ce rôle ? Allait-elle avoir une fois de plus du sang sur ses mains, alors qu'elle ne comprenait guère pourquoi sa vie avait changé du jour au lendemain ?
Elle accepta.

Au plus profond d'elle, Akemi savait que ses frères étaient encore là, quelque part. Ainsi elle n'abandonna guère ses projets de les retrouver, quand bien même certain essayait de lui faire comprendre que tous les adultes avaient disparu. Se reprenant en main, la mèche rouge décida de donner corps et âme aux Strike Force, construisant peu à peu ce qui le caractérise aujourd'hui. Pendant un long moment, la jeune chef travailla durement à la reconstitution du groupe. Elle s'informa de la situation de la ville, prenant la décision de mettre le quartier ouest sous sa protection, prenant les dojos d'assaut pour constituer un semblant de groupe apte à se défendre. Ainsi, elle pouvait avoir une influence certaine, les chances de survie s'augmentant considérablement. Au fond, elle partageait les mêmes désirs que chacun. Elle n'était qu'une gamine, désireuse d'être comme les autres. Heureuse.

Seule sa dette et l'espoir de revoir ses frères lui restaient de son ancienne vie, dette qui fut soudainement payée un beau jour. Akemi avait aperçu un homme, seul, se faire battre sans pitié par un groupe de délinquants. Les souvenirs de l'incident lui revinrent à l'esprit, faisant monter un sentiment de colère quant à cette scène haïssable. Elle ne pouvait le laisser seul. Sans se soucier de ce qu'elle pouvait endurer, la mèche rouge se jeta dans le combat, réussissant après quelques minutes à sauver l'homme qu'elle connaissait déjà. Surprise, elle ramena l'inconscient jusqu'à la base, veillant étrangement à son rétablissement, suscitant les interrogations des autres membres. Ulrick, comme il se nommait, connaissance de ses frères, insista après son rétablissement pour devenir son bras-droit et garde du corps. Elle n'eut que le choix d'accepter, abandonnant la lutte après quelques jours de dispute. Au final, cela n'avait que peu d'importance.

Elle avait payé sa dette.