Étendu sur le dos, la seule chose qu'il pouvait voir c'était le ciel orangé, l'aveuglant presque, le reste était pas mal flou. Sa tête tournait et il commençait à voir non seulement trouble, mais du rouge commençait à lui obstruer la vue.

On lui avait donné un sacré coup de batte d’aluminium sur la tête et il pouvait sentir son front chauffer et un liquide tiède couler. En contraste, le vent frais lui faisait du bien malgré tout.

"Haha... Je l'ai cherché faut l'admettre", souffla-t-il.

Il avait un mal de chien, mais il trouvait encore la force de faire de l'auto-dérision... Ses blessures n'étaient peut-être pas si grave au fond? Déjà deux semaines qu'il faisait partie des United Heroes. Avant ça, il n'était qu'un adolescent errant. Depuis la catastrophe, il avait l'horrible mauvaise habitude de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Il avait dut être tiré de son pétrin par un membre des United Heroes qui passait par là. Sa caméra avait capté un combat qui n'aurait jamais dut avoir de témoins, mais au final, il s'en était sorti grâce à leur intervention.

Marco n'avait jamais été très bagarreur, même à son époque plus en santé, mais il ne voulait pas toujours être le fardeau du groupe. Il s'était joint aux United Heroes pour assurer sa survie en premier lieu, certes, mais techniquement, il devait probablement être le plus âgé du groupe. Il ne pouvait pas laisser les autres toujours assurer sa protection.

Du coup, il s'était laissé aller à ses réflexions et se baladait en ville, pour se ramasser dans un territoire des Strike Forces. De toute évidence, ils n'appréciaient pas se faire filmer non plus. Marco avait réussi à protéger sa caméra, heureusement, mais c'est lui qui s'était ramassé au sol.

Après l'avoir roué de coups de pieds et d'insultes, ils ont fini par abandonner son cas. Tabasser un mec à terre qui suppliait ne leur paraissait plus trop amusant après un moment. D'une manière, Marco était heureux de ne pas avoir été reconnu comme un United Heroes. La dernière chose qu'il voulait c'était mettre la honte sur le groupe à qui il devait la vie.

"...Vais-je mourir comme ça... Inutilement?", marmonna Marco.

Bon, soyons franc, il dramatisait un peu la situation, mais à ses souvenirs, jamais il avait mangé une telle raclée...

Le ciel, commençait peu à peu à s'obscurcir et ses pensées elles-mêmes devenaient floues. Peu à peu, il sombra dans l'inconscience.

Tout semblait étrangement calme. La journée était déjà bien entamée pour ne pas dire bientôt finie et toujours aucun cadavre à l’horizon…  Ma petite patrouille au centre-ville presque finie, j’hésitai à pénétrer les territoires "colonisés". Arrgh!!! Et puis, je m’en fiche. Si une épidémie venait à surgir à Akashiki, ce ne seront pas ces adorables mômes qui viendront me soigner et me gaver de jolies pilules salvatrices… De toute façon, on ne meurt qu’une fois!

Prenant mon courage à deux mains, ou plutôt saisissant le volant plus résolument, je m’engageai vers le côté Ouest de la ville. D’habitude, le parc regorgeait de cadavres pourrissants, il y’a une semaine je n’avais que l’embarras du choix, mais j’avais réussi à nettoyer une grande partie de la zone… Passant lentement devant le lycée Yokosuka, j’avais décidé de longer le parc du côté le plus éloigné du quartier rouge, j’aurai alors plus de chance de  m’éviter d’importunes rencontres.

Un moment plus tard, j’avais garé le pick-up dans un endroit discret et je partis donc à ma petite chasse en prenant soin de mettre ma bavette et d’emporter des gants de grande taille en caoutchouc à la couleur jaune criarde. Mon fidèle revolver ne quittait pas ma poche. La prochaine fois, je devais penser à ramener un drapeau blanc que j’agiterai en guise de signe de paix. Quoique je doutais de son efficacité…

Le parc n’était plus que l’ombre de ce qu’il était. Dorénavant, on pouvait sans peine y filmer un magistral film d’horreur. Profitant de ma solitude, je pris une pause de zombie et avançai en traînant les pieds et en proférant des gémissements:



J’étais  perdue dans cette petite mise en scène lorsqu’une masse sanglante attira mon attention. Je me saisis rapidement de mon arme et m’approchais en toute prudence du tas suspect.



Moi qui pensais que je finirais ma journée tranquillou sans manier la pelle, me voilà bien servie par… euh… mais qu’est-ce qui s’est donc passé?

A priori, il semblait que j’avais affaire à un nouveau cas. Comment le coupable de ce massacre a-t-il pu  fusionner deux… non… trois cadavres en un seul amas sanguinolent? Uhmm…  Mesdames et messieurs, voici le second mystère de l’année après la disparition des adultes!!

J’enfilai les gants jusqu’aux coudes d’un geste maladroit et précipité. Je n’avais nulle envie de tomber sur le malade qui a fait un tel carnage. Une caméra, curieusement toujours intacte gisait près des victimes. Mmmh, peut-être le seul témoin du crime…



Je ne peux m’empêcher de sautiller de joie en applaudissant. J’avais tellement hâte de visionner la scène…  Mais en détaillant cet amas de chair et de sang, je ne peux m’empêcher de remarquer sa forme humanoïde. Plissant les yeux, je me concentre et… Ah… une tête… deux bras et deux jambes…

Profondément déçue par cette découverte, je m’obstine pourtant à chercher d’autres yeux et d’autres membres… mais en vain. Empoignant les pieds, je m’attèle  à la besogne et commence à tirer. Enfin essayer de tirer. Sans résultat. Dédaignant les membres inférieurs, je passe aux bras puis je tente de mouvoir le cadavre en le faisant rouler mais mes tentatives restent infructueuses.

C’était le chaos dans mon esprit. Iie, la fin du monde me semblait plus douce que d’avoir à supporter la présence d’un cadavre pourrissant dans la ville. Même si je ramenais la camionnette près du cadavre, je ne saurais comment l’y déposer tellement il était impossible à soulever par mes bras frêles et impuissants.

Je commençais sérieusement à songer partir chercher une pelle mécanique hydraulique, de celles qu’on utilisait surtout dans les chantiers de construction. Toutefois, je serais incapable de la manipuler en si peu de temps, et c’est là que la lumière se fit dans mon esprit ! Et hop ! Je filai loin du cadavre en toute vitesse…

Pour revenir quelques minutes plus tard. Mais point seule. Non non… Ce soir, ce cadavre dormira paisiblement dans son trou.



Et me voilà debout à la tête du cadavre, les deux mains brandissant fièrement la hache que j’étais partie chercher, prête à découper le corps en petits morceaux…

Marco se voyait déjà, filant vers un monde meilleur. Il ne savait pas trop s'il croyait au paradis, mais l'idée d'avoir des ailes et se rendre à un lieu céleste plein de vierges était attrayant. Nah... Étrangement, il lui semblait qu'il mélangeait les choses dans sa tête. Dans son espèce de délire, il pouvait voir un ange.

Oui, emmenez-moi! On le tirait d'abord par les pieds, ça c'était étrange. Puis par les mains... Mais il ne volait pas. Où était ses ailes? Où était Bouddah? Et pourquoi il n'avait pas son corps svelte? Une fois mort, il pouvait avoir l'apparence qu'il voulait non?

Ses désillusions se brisèrent lorsqu'il ressentit à nouveau la douleur. Non, il était vivant et il soupçonnait une commotion en plus de ça. Sa vision était trouble et il ne voyait plus le soleil. Faisait-il déjà nuit? Il cligna des yeux encore un peu, voyant au dessus de lui une vision d'horreur. Une ombre menaçante, brandissant une hache au dessus de lui.

"Eh...EEEEEEEEK!!!!", hurla-t-il, levant ses épais bras par dessus sa tête comme pour se protéger.

C'est pas vrai! On voulait vraiment sa peau à ce point? Ou... les gens manquaient-ils à ce point de nourriture qu'ils se tournaient maintenant vers lui!?

Tremblant, il laissa échapper un pathétique cillement, suppliant pour sa vie.

"N-Ne me tuer pas! J'ai des sandwichs... Je-Je peux vous donner à manger, moi je suis pas très bon... Enfin, sauf si vous êtes... Enfin, je veux dire, ne me tuez pas!!!"

Il ouvrit un œil, pour voir si le psychopathe avait toujours l'intention de le découper en rondelles. Des sueurs froides roulaient sur son front, à moins qu'il saignait encore? Ce n'était pas son jour, vraiment pas...

Dans quel horrible pétrin s'était-il retrouvé!? Il essaya de se lever, mais il n'y arrivait pas. Quel merde... Voilà qu'il se retrouvait vulnérable comme une tortue renversée. Et le psychopathe, lui tournait autour, traînant sa hache sur le sol. Ça lui rappelait un certain ennemi dans Silent Hill, ça. Rien de rassurant!

Il pouvait sentir les larmes lui monter aux yeux. Non, il n'allait pas se mettre à pleurer en plus devant l'ennemi! Il se ressaisit, tentant de chercher les moindres parcelles de courage qu'il avait. Faire honneur aux United Heroes, faire honneur aux United Heroes...

"Je suis un United Heroes... Un héros, un brave" , se récita Marco mentalement.

En se donnant un bon élan il parvint à se retrouver en position assise au moins. Il dut se tenir pour ne pas retomber, dut à un vertige soudain. Sa tête n'allait pas arrêter de lui faire mal de si tôt...

Une réaction inattendue de son nouveau tortionnaire le laissa plus que perplexe.

- Quel…Quel type de sandwich?

Marco cligna des yeux brièvement. Était-ce une question piège? S'il répondait beurre d'arachide, le psychopathe allait-il faire un"Bzzzt! Je suis allergique, connard!" et l'achever d'un coup de hache!?

Déglutissant, il fouilla dans son sac à dos, remarquant tristement que ses barres tendres n'avaient pas survécu à l'impact sur le sol. Et les sandwichs avaient perdus de leur volumes.

''Euh... Ils sont écrasés, mais ils devraient être toujours bons! J'en ai au...jambon et un autre au poulet... Je-- Si vous avez faim, je peux vous faire un repas à la maison! Hehe... Je-Je veux pas me vanter, mais maman me disais souvent que je suis un vrai cordon bleu!...Ohhh..."

Il s'arrêta encore, sentant sa tête tourner. Ouais avant de penser à s'activer à la cuisine, faudrait d'abord faire quelque chose pour ses blessures. Il se doutait fortement que le psychopathe ait quelque chose à faire de ses capacités culinaires. S'il était assez affamé, il risquerait à la limite de prendre les sandwichs écrasés comme entrée et finir avec un spécial ''Wakasa braisé'' Juste la pensée lui donnait des sueurs froides.

- Qui es-tu? Et que fais-tu tout seul par ici? Puis indiquant de la tête la caméra abandonnée sur le sol, Elle est à toi cette caméra?

- N-Non!!

Il s'arrêta, se sentant soudainement ridicule. Il n'avait rien à cacher, mais ses vidéos n'étaient pas encore édités ou travaillées et son côté perfectionniste n'aimait pas trop qu'on regarde le produit non terminé.

Il se racla la gorge, timidement.

- Euh... Pardon. Je-Je m'appelle Wakasa... Marco Wakasa. Je...suis caméraman. Mes vidéos ne sont pas...Terminées. Et oui, c'est à moi...

Devait-il dire qu'il était un United Heroes ou non? Il ne savait pas trop. Cette personne n'avait pas l'air d'une Strike Force non plus.

- Et vous? ....Vous menacez souvent... des inconnus à la hache?

Riant, nerveusement, il sortit les deux sandwichs, les lui tendant en signe de paix et de bonne volonté. Il priait pour que cela fonctionne et que ses étourdissements ne soit pas un signe d'un grave problème.

-...Je---suppose que vous n'avez pas de kit de premiers soins?, ajouta-t-il, nerveusement, rougissant quelque peu.

Il se sentait pathétique, quêter des soins à un psychopathe. Mais au point où il en était, les choix étaient limités.

J’enlevai mes gants pendant qu’il sortait les sandwichs de son sac. Yosh ! J’allais enfin goûter autre chose que des nouilles instantanées… Reportant mon attention sur sa question, je me demandais quelle serait sa réaction si je lui répondais qu’au lieu de la hache, j’utilisais d’habitude un revolver.



Ma curiosité attisée par sa révélation, je me promis de jeter un coup d’œil sur ses vidéos pas encore terminées.

Il commença à rire. Qu’y avait-il de si drôle ? Peut-être qu’il avait un sérieux problème cérébral vu sa situation actuelle, ou peut-être que le fait qu’il s’est réveillé inopinément pour me voir prête à le décapiter l’avait sérieusement traumatisé…

Je m’assis sur l’herbe, enlevai ma bavette et lui arrachai presque l’un des précieux sandwichs des mains avant qu’il ne change d’avis et décide de le garder.

- Itadakimasu ! J’avais à peine pris une énorme première bouchée que…



Un kit de premiers soins ? Je n’en avais pas seulement un seul mais une bonne trentaine un peu partout dans la ville. Embarrassée d’avoir négligé ce point important, je me relevai d’un coup.


Quoique je doutais qu’il puisse même avoir assez de force pour se relever. Je pris la direction de la camionnette et en sortis mon sac-à-dos. Farfouillant rapidement dans le bric-à-brac, je réussis à dénicher quelques bandages et un désinfectant déjà entamé. Puis je pris une boîte d’antibiotiques parmi celles que j’avais trouvées plutôt dans la journée. Je mordis une seconde fois dans mon sandwich que j’avais tenu pendant tout ce temps avec ma bouche avant de revenir vers le parc.

J’espérais que je n’avais pas aggravé son état en le secouant un peu partout… Et s’il avait des fractures, et bien, je ne pourrais malheureusement rien pour lui…

Le pseudo-psychopathe ne tarda pas à prendre les sandwichs de ses larges mains. S'il n'avait pas été blessé ou incertain de sa sécurité avec cette personne, il lui aurait sans doute sorti le "On vole pas de la nourriture à un gros!" ...En tout cas, si son esprit sortait encore des répliques foireuses, il n'allait peut-être pas si mal que ça.

-  Je ne cherchais pas à te menacer… En fait, je suis Iii… Ishida, le fossoyeur d’Akashiki. Il faut bien que quelqu’un s’occupe des cadavres qui traînent un peu partout.

Iii? L'hésitation fit légèrement haussé un sourcil à Marco, mais il n'en fit pas trop de cas. Lorsqu'il mentionna le kit de premier soin, Ishida, la bouche pleine lui lança un " Roste uçu…Jou roubiens…"

Marco le regarda filer, sandwich dans la bouche vers une camionnette, craignant presque de se faire abandonner dans ce parc, mais le fossoyeur ne tarda pas à revenir avec le kit à la main.

''Ah! Merci, Ishida-kun."

Il pouvait se débrouiller et se faire un pansement lui-même. Il n'avait qu'à se faire examiner à sa base un peu plus tard pour être sur. Appuyant sur sa plaie, qui saignait encore, mais légèrement moins, il tendit sa main libre vers le fossoyeur.

"Moi, je m'appelle Marco. Marco Wakasa."

Il ne déclina pas son affiliation, pas pour l'instant du moins.

"Fossoyeur, eh? Ce n'est pas très commun... Tu fais ça à ton compte ou pour un groupe quelconque?''

La réponse d’Ishida le surpris quelque peu. Par compassion? Pas qu’il ne voulait pas le croire, mais ça sonnait un peu étrange. Il termina de panser sa tête. Bon, il n’était pas un expert en premier soins, encore moins sur lui-même, mais il s’était rafistolé un minimum. Pour le reste, une vérification à l’infirmerie à la maison et tout allait être beau.

- En parlant de groupes… Au fait, Wakasa-kun, tu fais partie du quel?

Il figea un peu. La question qui tuait… Il n’avait pas honte de son groupe et il n’avait rien à cacher! …Enfin si quelqu’un allait avoir honte c’était les United Heroes d’avoir un loser comme membre.

Il baissa la tête et bégaya son groupe, mais il avait foiré ses mots et parler assez bas, du coup, il doutait que son interlocuteur l’ait entendu.
Marco répéta, d’une voix plus claire.

-…Je fais partie des United Heroes… J-J’ai été recruté récemment…Ou plutôt je dois la vie à quelqu’un là-bas… Et j’ai voulu les rejoindre pour donner un coup de main, m-mais…

Il soupira, rougissant un peu.

- Je crains d’être plus un poids que d’autre chose…Sans vouloir faire de jeux de mots.

Il regarda un peu Ishida. Malgré les apparences, c'était quelqu'un qui pensait aux autres et qui s'occupait d'une tâche ingrate tout seul.

- ...T-Tu n'a jamais pensé à rejoindre un groupe? Je veux dire...Fossoyeur c'est pas une tâche facile, ni très...hygiénique... Si tu offrirais tes services à un groupe, tu serais accompagné et tu n'aurais pas à prendre cette responsabilité tout seul.

Wakasa-kun marmonna quelque réponse imperceptible. Je crus un instant qu’il allait se défiler mais il reprit :


Umm… United Heroes…  Wakasa-kun et moi soupirâmes  en même temps. J’étais soulagée de savoir qu’il ne faisait pas partie de ces groupes de fous furieux assoiffés de sang…



Je hochai la tête en guise d’assentiment. Je n’étais guère du genre à réconforter les gens avec de vaines et fausses paroles d’encouragement. Quoique, Wakasa-kun n’était peut-être pas un cas désespéré. Son surpoids pourrait, selon l’approche de Wakasa-kun, être son talent d’Achille ou au contraire se révéler un avantage inattendu lors d’une mêlée…



Je me sentis légèrement coupable d’avoir caché ma vraie identité et mes vraies raisons pour être fossoyeuse à Wakasa-kun. Ce dernier avait l’air d’être un gars inoffensif avec son drôle de turban blanc, mais je ne pouvais quand même pas crier mes points faibles à un inconnu que je rencontrai pour la première fois.

Je ramassai ma nouvelle hache puis indiquant ma camionnette du menton :



Je souris. C’était peut-être mesquin et un peu cruel de ma part mais je n’avais pas pu m’en empêcher de le taquiner.