Ce que vous avez fait avant la disparition des adultes :Ce qu'il a fait ? Hmm... Commençons par le commencement voulez-vous ? Bien !
Il était une fois un jeune couple un peu idiot, mais très amoureux, mais idiot dont la femme tomba enceinte sans le vouloir. Le père fut bien sûr contre l'arrivée de cet enfant tombé de l'Enfer même, tellement sa future présence était compromettante pour la vision du bonheur des deux tourtereaux : Pouvoir vivre ensemble sans n'avoir personne dans les pattes (il semblait même que l'homme n'eût pas l'intention de rester bien longtemps, mais cela ne reste qu'une supposition...). Donc, ils envisagèrent dans un premier temps l'avortement, mais cela est totalement impossible quand on en arrive au sixième mois du terme, le médecin leur proposa dans un élan de sagesse de placer l'enfant dans un orphelinat, solution auquel le père accepta tout de suite (bien entendu) mais qui laissait malgré tout un léger goût amer dans la tête de la mère. "C'est quand même notre bébé" se disait-elle, phrase qui sera sa dernière preuve que l'instinct maternel ait couru dans ses veines.

La naissance ne se passa pas sans effort, bien entendu, mais l'absence du futur papa n'avait rien d'innocent ou de maladroit et cette scène à elle toute seule pourrait résumer toute la vie du garçon en train d'émerger tête la première vers son calvaire. Se dit calvaire commença lorsque l'on diagnostiqua chez lui l'albinisme : Apparence de monstre couplé à une sensibilité au soleil accru, un peu comme si l'environnement cherchait à vous tuer.

Les bébés, ça pleure, ça pleure beaucoup, beaucoup trop pour un jeune homme dans la force de l'age qui ne pouvait plus se permettre de survivre avec des missions de travail. La journée l'épuise avec ses cartons, ses lourds "fais ce que je te dis" et ses cruels "tu te crois malin ?!", le soir n'offrait plus ses câlins, ses mélodieux "ça va chéri ?"... Faut dire que la mère n'avait plus assez d'énergie pour s'occuper de ses deux bébés alors c'est le premier arrivé qui est le premier servi, ce qui mettait bien en rogne le père qui sombra dans les vices au fil des mois. La vie ne suit que rarement le cours que l'on souhaite n'est-ce pas ? Qui aurait pu imaginer qu'il ne lui fallut qu'un peu plus de treize mois de pleurs et d'indifférence pour libérer ce monstre de haine ? Pour Akemi, son quotidien se transforma plusieurs fois durant sa croissance : D'abord cris, coups et pleurs ; puis violence, abandon et abus ; pour finir par bruits, bleus et solitude.

C'est ainsi que la personnalité du garçon s'en retrouva grandement affecté, ou plutôt renforcé avec l'apathie. L'apathie, c'est cette émotion bien pratique qui rend complètement indifférent de ce qui l'entoure, aussi bien physiquement que d'une manière plus abstraite comme la notion de temps ou d'objectif. Akemi survivait et toute son énergie lui servait à pouvoir s'assurer qu'il se réveillerait le lendemain. Chaque jour se suivait et se ressemblait... A la seule différence qu'un cadavre de femme logeait dans la chambre scellée des parents, pendue au plafond, et que le coupable avait quitté le navire il y a de cela six ans. Six ans sans cours, sans but, sans avenir.

Là vous vous demandez comment cela se fait-il que notre chevelu d'argent soit encore en vie non ? Non ? Personne ne se le demande de toute façon, mais je vais quand même y répondre. Le suicide n'est jamais une option pour le garçon dont l'image du corps flasque de sa mère se retrouvait gravée dans son esprit depuis ce jour fatidique. Ce choix est d'ailleurs l'une des seules choses pour laquelle il ressent quelque chose, de la colère plus exactement, car cela fut interprété par un abandon de celle qui l'avait forcé à vivre ce calvaire. "Elle me fout là-dedans et me laisse tomber ?!" voila ce que criait son inconscient face au suicide, donc jamais l'enfant de lune ne pourra accepter et considérer cette chose. Mais le vol, la violence et les mauvais coups payaient, coopérant avec ceux qui lui offraient un intérêt réel et les trahissant plus ou moins dans le bon moment pour ne pas finir du mauvais côté de la barrière. Il finit cependant par travailler à l'âge de quinze ans dans un hôtel de passe en tant qu'homme à tout faire, un peu fatigué de toujours devoir courir et faire croire qu'il allait tenir des engagements auprès de petites frappes qui avaient les yeux plus gros que le ventre. Tout ce qu'on lui demande ici est de rester tranquille, de faire les chambres et de n'être vu par personne, chose qui a toujours été relativement facile pour le garçon.

   ET
   Ce que vous avez fait durant le mois suivant la disparition des adultes :Vous savez ce que c'est de vivre en banlieue ? Seul ? Avec pour toute activité que d'aller dans un bâtiment miteux de jour quand toute la clientèle s'y rend de nuit ?

Pour vous dire toute la vérité, il fallut deux jours entiers pour qu'Akemi se rende compte des nouvelles règles. Deux jours pour constater que personne n'avait demandé une nuit à l'hôtel, deux jours pour constater que les rues n'avaient pas bougé d'un millimètre durant ce laps de temps. Mais au début Akemi crut être le seul sur terre, oublié encore une fois par l'humanité. Sauf que ce constat ne réveilla chez lui qu'une sensation de liberté, se servant dans toutes les boutiques et épiceries pour consommer ce qu'il voulait sans avoir à se cacher. Ce n'est qu'au bout d'une dizaine d'heures, au coucher du soleil, qu'il croisa un autre jeune d'à-peu-près son âge. Faut dire que le coin n'était déjà pas très fréquenté par les mineurs, la résidence étant construite à la base pour les retraités et ceux qui cherchent à vivre le plus loin possible de toute agitation... Bref, nous sommes loin d'un cadre de vie adapté pour des lycéens.

Ce fut pourtant ce petit gars qui lui apprit toute la situation, les adultes évaporés, la ville livrée aux enfants... Il lui confiait même qu'il cherchait à quitter la ville car certains avaient déjà l'idée de créer des clans. "L'union fait la force" et l'humain n'avait pas son pareil pour rassembler ses pairs en temps de crise. Tanaka ne se sentait pourtant pas concerné par la situation, déclinant son offre d'une indifférence froide et l'abandonnant à son sort. L'inconnu ne semblait pas pour autant s'en sentir affecté, mais il lui adressa un seul conseil : "Ne fais confiance à personne" ... Comme si ce n'était pas déjà le cas.

L'enfant de lune rentra chez lui afin de s'équiper de tout ce qu'il pouvait : Ustensiles de cuisine, nourriture, eau, un peu d'argent au cas où certains y attacheraient encore de la valeur. Juste avant de partir, il entendit un coup de feu, ou des pétards peut-être, mais ce bruit réveilla chez lui ces souvenirs de la période où il trainait avec les mauvais : La mort se trouvait à chaque tournant, à chaque mauvais faux-pas. Aucune raison que cela ne change maintenant. Ce n'est pas la majorité qui rend l'Homme capable d'atteindre à la vie d'autrui et Tana l'avait presque oublié. Il se décida alors à s'enfermer chez lui pour un temps afin de s'entraîner de manière rudimentaire. Juste remettre son corps en forme, acquérir des réflexes plus importants et d'habituer à découper et frapper la chair avec ses poings ou un couteau. L'idée de se servir de sa mère comme d'un mannequin fut proposée par son esprit déjà insensible, sauf qu'une grande surprise l'attendait derrière la porte scellé : Plus de corps ! Juste l'odeur insoutenable de la décomposition prouvait de la présence d'un cadavre en cette pièce. Le constat acheva le garçon qui ne pouvait se rendre qu'à l'évidence, les adultes ont tous disparus. Ils ne sont pas partis, ils ne se sont pas enfuis, ils n'ont pas abandonné quiconque non... Ils ont juste été supprimé de la ville.

De la ville ? Peut-être même du monde ! Fuir n'était pas une option si cette hypothèse se révèle être vraie. Notre chevelu argenté décida de continuer son entrainement, dans cette pièce macabre. Il tenait à entrainer son endurance, à s'habituer aux conditions insoutenables et à survivre dans un environnement devenu hostile à coup sur.

Ce n'est qu'au bout d'un mois complet que le garçon se décida à sortir pour de bon, la zone étant pillée jusqu'à la dernière goutte, armé de différents ustensiles de cuisine dans son sac à bandoulière. Akemi Tanaka n'avait rien d'un surhomme, son corps restait fin et nullement endurant mais sa rapidité lui permettait, selon lui, de pouvoir fuir la plupart des situations dangereuses. Il n'était pas au courant du système de clan actuel, ni de tout ce que la ville lui réserve, mais il n'était pas assez naïf pour savoir qu'elle n'allait pas l'accueillir les bras ouverts.

Et c'est ce qu'il remarqua bien assez tôt. Les jeunes dans les rues ne faisaient pas de cadeaux, agressant quiconque se trouvait sur leur chemin. La manière utilisée était souvent différente, qu'il s'agisse de l'usage d'un habile stratagème ou simplement d'une arme. L'albinos n'avait pas vraiment peur, ce n'était pas comme si le concept même de violence venait de naître, mais il n'était pas non plus assez fou pour se risquer à se mettre en vue. C'est ainsi que le peu de personnes qu'il rencontra en face à face ne le purent que sur un coup du hasard, jamais dans l'intention de taper causette.

Pensant que la disparition des adultes et l'effondrement du système était d'origine magique, à cause du corps de ma génitrice disparue en même temps que le reste et le brouillard geôlier, l'enfant de lune tenta de percer le mystère en commençant par prouver qu'il avait raison. Bien qu'au début les indices semblaient affirmer sa théorie, ce fut le cimetière qui lui rappela que nous ne vivons pas parmi les lutins et les fées. En ouvrant le cercueil d'un homme de plus de soixante ans lors de sa mort, il constata la présence d'un squelette tout ce qu'il y a de plus banal, détruisant sa théorie des morts qui ont disparu avec les vivants.

Tana finit par retrouver sa défunte mère, complètement par hasard, dans une planque pas loin de chez lui. Pour la première fois de sa vie il fut choqué, peut-être parce qu'il s'agissait d'une alliée d'enfance, mais les marques de dents sur le corps visqueux lui donnèrent la nausée. Quelqu'un de plus dérangé que lui était passé cannibale en un rien de temps, et pas sur de la toute première fraicheur. Le garçon se décida de la porter sur ses épaules pendant un bon quart d'heure. Une fois le cadavre mâché retourné à sa place première, Akemi la remit dans la même position qu'au tout début : Le cou attaché par la corde, le corps pendu dans la pièce. Ce rétablissement ne l'apaisait pas au contraire, ce qui était sa salle de repos est maintenant devenue plus horrible que jamais. Une épreuve supplémentaire pour l'orphelin qui s'imposa de nouveaux défis personnels afin d'endurcir ses nerfs et son sang-froid face aux pires visions que ce nouveau monde pourra lui offrir.