Les gestes sont doux et apaisants... Quelqu'un essaie de réveiller la petite. Elle est si bien, à ce moment, dans sa chambre bien rangée et entretenue. Il est l'heure de se réveiller pour aller à l'école. Nenoko ouvre ses petits yeux endormis. Horreur : le visage présent en face d'elle n'est pas celui auquel elle s'attendait. Non. Pas du tout. C'est un homme qui lui caresse la joue, et pas sa maman. Un homme au visage atrocement déformé par un rictus de cruauté. C'est... non, c'est impossible, pas là, pas maintenant... Mais si. C'est bien l'assassin de Masahiro qui se tient devant elle. Et derrière l'homme, un corps entouré d'une flaque sombre.

- C'est ton tour maintenant!

La petite a juste le temps de voir son papa sauter devant elle et se faire transpercé d'une balle qui lui était destiné. Tout ça avant de...

Se réveiller en sursaut dans un lit. Depuis quelques jours, elle faisait ce genre de cauchemars qui la tenait alors éveillée jusqu'à ce que la nuit se finisse pour laisser place au jour. Chaque fois elle était tremblante et transpirante de ce lit qui n'était même pas le sien, mais celui d'un ancien étudiant.

Ce matin-ci, comme chaque fois, elle était restée assise le regard dans le vide, la tête appuyée sur le rebord de la fenêtre. Elle observait ce qui se passait dehors en essayant de penser à autre chose. Et ce matin-ci, justement, elle voulut Vraiment avoir la tête ailleurs, en dehors de cette horreur. Elle décida donc de sortir.

C'est qu'elle embarqua avec elle un petit sac de toile qu'elle remplit avec une gourde et un sandwich (au cas ou elle ferait la journée là-bas) et se dirigea vers la sortie. Bien évidemment, elle avait des tâches à accomplir... Mais elle s'en moquait. Alors elle partit vers le parc, du côté Ouest (le seul endroit sinon la forêt qui aurait pu l'apaiser.)

Au bout de 20 longues minutes de marche, elle arriva à l'endroit choisi. Elle venait souvent ici avec son petit frère, lorsqu'il était encore là. Non. Il fallait qu'elle se change les idées! Pourtant, tant de souvenirs refaisaient surface... les châteaux de sable, les toboggans, la marelle... et surtout les balançoires. Elle les adorait. Sa maman la poussait toujours très fort, elle avait l'impression de voler! Nenoko s'approcha alors d'un pas pas très assuré vers ce qui la faisait rêvée étant petite. Les pieds l'un devant l'autre. Des images de son enfance ressurgissaient dans son esprit, si apaisantes mais en même temps si tristes. Ses yeux se remplissaient peu à peu de larmes. Elle prit dans son poing la chaine de la balançoire. Avec une lenteur extrême, savourant le plus possible ce moment, elle se rassit et commença à se balancer. Doucement. Puis plus vite. Toujours plus vite. Si vite que ses cheveux, bien que pas très longs, s'envolaient dans le vent. Elle riait comme une folle. Mais ses yeux pleuraient comme des fous. C'était ça. Elle était folle. Mais si bien à ce moment, dans le vent, dans la joie et la tristesse. Elle volait ses jambes se balançant dans le vide. Ses rires se transformaient peu à peu en sanglots. La petite fille qu'elle était comprenait enfin la mort de son frère et sûrement celle de ses parents. Elle hurlait. Ses larmes tombait au sol comme des gouttes de pluie. Ne pleuvait-il pas ce jour horrible ou son frère est mort? Faisait-il beau le jour funeste ou ses chers parents ont disparus? Elle ne s'en souvenait plus, et, à vrai dire, cela lui importait peu. Elle voulait juste pleurer et... mourir. Si seulement elle le pouvait, si seulement quelqu'un débarquait au loin et la tuait sauvagement... Elle aurait peur, mais ne serait sûrement pas triste. Loin de là.

Nenoko ne se balançait plus. Elle s'était arrêtée et pleurait, secouée de nombreux sanglots. Si triste. Séchant ses larmes, elle resta là. A ne rien faire. Jusqu'à ce que quelqu'un la trouve. Enfin, jusqu'à ce que la Mort la trouve.

Elle ne vit pas la petite silhouette derrière elle, bien qu'elle ne soit pas d'une discrétion à toute épreuve. Elle était trop plongée dans ses pensées. Si bien que quand la petite chose morte de rire à l'avance de se blague, attrapa ses épaules et lui cria force « BOUUUAAAH ! » elle fit un bond d'au moins 30 centimètres.

- Non mais ça va pas!?! C'est quoi ton problème? T'es malade ou quoi?! J'ai failli mourir là!!

- Wowow ! Calme ! Je voulais savoir … 'Fin … Je voulais pas te faire si peur que ça !

Elle l'avait surprise alors que ses larmes coulaient à flots, ce qui la fit rougir de honte et de colère. Puis, prêtant plus attention à la petite frimousse ronde qui lui souriait (quoi qu'un peu farouchement). Elle se rasséréna un peu sans pour autant en être moins vexée.

-  Ne te mets pas dans des états pareilles ! Je passais par là et voilà !

- Tu sais, j'ai vraiment eu peur, y faut faire attention quand tu fais des blagues!

Sa voix était douce et sans accroc. Elle essayait d'être la plus gentille possible, malgré son énervement. Elle se sentait supérieur à cette enfant, et de pars son âge, mais aussi car elle se pensait plus intelligente.

- Tu as quel âge? tenta-t-elle.

HS:

La petite s'était remise de ses émotions et attendait patiemment la réponse de sa petite camarade. Elle réfléchissait et son visage se déformait sans vraiment afficher son sentiment présent.

- J'crois que je dois avoir 5 piges … C'est pas vieux, hein ?

Sa réplique la choqua. Comment pouvait-elle parler comme ça? Elle même s'exprimait bien différemment, malgré son jeune âge, que la plupart des autres enfants. Elle parlait comme une ado! Nenoko en rougit presque, elle était outrée.

- SINON ! Tu ne veut pas savoir mon nom en premier ? Je trouve ça … Étrange de demander l'âge avant le nom, nan ? Ce n'est pas pour être indiscrète ! Mais, ça me semble tellement plus naturel ? J'avoue être un peu … perfectionniste et chiante, mais tout de même … Enfin, ce n'est pas un drame : ni mort ni violence ! Alors c'est moi qui vais te poser la question : Tu t'appelles comment ? Et enfin : Tu as quel âge ?

Après cela, Nenoko était estomaquée. Deux secondes auparavant, elle parlait comme une racaille et l'instant d'après, elle parlait comme une aristocrate (ou du moins, aux yeux innocents de l'enfant). Elle n'avait même pas suivi ce qu'elle avait dit! Mais apparemment, elle avait entendu les deux dernières questions (qui, espérait-elle, étaient les plus importantes).

- Je, heu... à oui... je heummm... Je.. j'ai 7 ans et puis, heu, je m'appelle Ayugai Nenoko!

Reprenant un peu de contenance, elle demanda en levant le menton bien haut :

- Et toi?

Un peu trop hautaine, elle semblait snober la petite qui se présentait devant elle. Elle attendait sa réponse en idéalisant. Elle pouvait répondre de toute les manières possible, et elle attendrait.

- Ha bien moi, c'est Yokohama Noriko et pour l'âge … je venais de le dire … de grâce, je ne vais pas te le répéter …

Un sourire amer se dessina sur le visage de Nenoko. Elle faisait sa belle et cela l'énervait de façon énorme. Comment pouvait-elle se supporter elle-même? On aurait pu croire qu'elle se prenait pour une haute aristocrate ou on ne sait quoi... D'autant que la petite révérence qui accompagna les mots lui jeta un froid. Grrr... Elle lui donnait envie de lui tirer les cheveux. Elle ne supportait pas le fait que cette petite se sente supérieur à elle.
A présent, elle réfléchissait intensément. Puis, sans prévenir, elle me demanda, comme si c'était une évidence :

- Ne s'rais-tu pas une Royal Guard par hasard ?

J'écarquillai les yeux. Comment pouvait-elle savoir?

- Heu, ben... ouais. Mais, comment t'as fait?

- Eh bien, vois-tu, je ne sors pas trop du Lancaster School … Ce qui veut dire que je ne pouvais que te trouver là ET justement, ta frimousse me dit quelqu'chose donc logiquement, si je t'ai vu se s'ra toujours là … ENSUITE  … euh … Eh bien disons que de même pour ton nom … Voilà en bref ma déduction …

Nenoko n'avait strictement rien compris, mais elle laissa sa comparse finir sa déduction. De toute façon, maintenant qu'elle savait qu'elle était dans le même groupe qu'elle, elle ne s'étonnait plus de son comportement.

- Et sinon, qu'est-ce que tu fais là?

HRP:

- Eh bien, comme tous les enfants, Pardi!

"Oh... cette fille est vraiment bizarre. Je ne sais pas comment la prendre... au sérieux? A la rigolade? Oh là là..."

Son énorme sourire démontra qu'elle était venue pour jouer. Normal. Elle pensait, secouant finalement la tête pour, je pense, chasser de mauvaises pensées.

- Et toi alors ? Pourquoi tu es venue jouer dehors ?

- Oh... bah, souvenirs souvenirs! Je venais, avec... enfin, quand j'avais encore... heu, quand j'étais plus petite!

Encore cette morsure de douleur. Il lui retira une grimace. Masahiro... A cet instant elle le revit tournoyer sur le tourniquet, se balancer sur la balançoire d'à côté, construire un château dans le bac à sable, grimper à l'échelle... Une larme perla au coin de son œil. Puis sa maman... Elle aussi, était là, maintenant, en train de la pousser elle et son frère sur la balançoire, de trouver des cailloux pour notre château, de pousser le tourniquet, de surveiller qu'on ne tombe pas de l'échelle. Et mon père... assis sur le bac à nous observer, sa petite famille qu'il aimait, ses petits enfants qui jouaient, sa petite femme qui riait. Trop de douleur émanait de ces images, alors Nenoko cligna de la paupière pour faire glisser la larme suspendue, puis elle frotta son visage avec son pull.

- Hé, dis, on fait un jeu? Du genre cache-cache? Ou colla-maillard?